Un débat organisé par les Indécis au Ministère de la Transition écologique.
L’équipe de l’antenne Environnement de SONU a été invitée à assister, le 30 novembre 2021, à une conférence intitulée “L’énergie peut-elle sauver le climat ?”. Elle a été organisée par le Ministère de la Transition écologique dans le cadre d’un cycle de conférences nommé “les voies de l’écologie”. Modérée par les Indécis, un média qui réalise principalement des interviews politiques, cette conférence rassemblait cinq invités :
- Fatih Birol, le Président de l’Agence Internationale de l’énergie
- Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique
- Nicolas Goldberg, un expert énergie chez Colombus Consulting
- Yves Marignac, le porte-parole de Négawatt
- Catherine Quignon, la maire de Montdidier, une ville engagée dans une politique de maîtrise des consommations d’énergie sur son territoire.
Cette conférence était une mine d’informations ! On te partage donc ici les principaux points évoqués : on va parler, entre autres, du lien entre énergie et climat, des enjeux actuels autour de l’énergie, des débats autour du futur mix énergétique, etc. Et promis, si tu restes jusqu’à la fin, tu auras un récapitulatif des informations essentielles !
L’énergie, source de multiples enjeux
L’énergie cristallise de nombreux enjeux, qui sont à la fois quotidiens, socio-économiques et globaux. On te propose ici de revenir sur ces trois niveaux différents.
D’abord, l’énergie fait partie de la vie quotidienne et nous est utile dans de nombreuses activités. Très concrètement, c’est grâce à l’énergie que l’on peut éclairer nos pièces de vie, chauffer nos logements, se déplacer sur des petites ou longues distances, se nourrir (on pense par exemple aux engins motorisés / tracteurs nécessaires à l’agriculture, au chauffage des serres, ou au transports de nos aliments). Elle permet également d’alimenter au quotidien tout le tissu productif français, comme les usines et les sites de production. Au quotidien, on peut donc dire que l’énergie nous permet de vivre et de nous rendre des services, dont certains sont indispensables.
Mais l’énergie est aussi au cœur de débats socio-économiques. En effet, se procurer de l’énergie a un coût. Dans l’actualité, il est souvent question des prix de l’énergie: les prix de l’électricité, du gaz et du carburant sont actuellement en hausse. Selon l’INSEE, cette hausse des prix contraignent les ménages à accroître leur budget dédié à l’énergie. On se rappelle également du mouvement des Gilets Jaunes, qui avait été déclenché par la hausse des prix du carburant en octobre 2018. L’énergie est donc un élément important dans le pouvoir d’achat des ménages. Par ailleurs, il existe d’importantes inégalités en termes d’effort énergétique, c’est-à-dire que les ménages ne consacrent pas tous la même part de leur budget à l’énergie. Par exemple, en milieu rural, les surfaces à chauffer sont souvent plus grandes, et les trajets domicile – travail plus longs qu’en zone urbaine. Cela se traduit par un effort énergétique plus important pour les ménages des zones rurales par rapport à ceux des zones urbaines. Ainsi, la hausse des prix de l’énergie n’affecte pas uniformément tous les ménages. On comprend donc aisément que l’énergie puisse être un sujet de débat social, économique et politique.
Enfin, plus largement, l’énergie est un enjeu global. Il faut rappeler qu’elle est à la base de notre modèle de développement : notre économie repose entièrement sur la consommation d’énergie. Pour le comprendre, on peut très simplement se dire que lorsque l’on produit, on transforme des ressources naturelles en biens et services, et cette transformation requiert de l’énergie. Même si on peut faire des progrès en termes d’efficacité énergétique, plus on produit, plus on a besoin d’énergie. Cependant, certaines sources d’énergie posent aujourd’hui un problème crucial : la production d’énergie à base de combustibles fossiles – pétrole, charbon, gaz – est émettrice de gaz à effet de serre, qui participent au dérèglement climatique. Nul besoin de rappeler à quel point celui-ci est un enjeu crucial aujourd’hui. Notons aussi au passage que l’énergie pose aussi des questions géopolitiques et géostratégiques : la France est dépendante au niveau des ressources, à la fois de combustibles fossiles comme le gaz et le pétrole, mais aussi au niveau des minerais et métaux rares, comme le cuivre, le lithium, le cobalt, qui sont des ressources précieuses dans le cadre de la décarbonation et de l’électrification des activités.
Dans le cas des ressources fossiles comme le gaz et le pétrole, un exemple d’actualité illustre notre dépendance : dans le cadre du conflit qui oppose la Russie à l’Ukraine, le président Emmanuel Macron a annoncé la mise en place d’un “plan de résilience économique et social”, pour faire face, entre autres, à la hausse des prix des énergies fossiles. En effet, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), La France importe 17 % de son gaz, 9 % de son pétrole et 30 % de son charbon de Russie. En ce qui concerne le pétrole, le conflit a pour effet de limiter l’offre et freine les grandes entreprises énergétiques, réticentes à s’approvisionner en pétrole russe (pour des raisons morales et sécuritaires). En conséquence, les prix des carburants augmentent en flèche. D’autre part, si le charbon ne représente qu’une part insignifiante du mix énergétique français, le gaz représente quant à lui un enjeu de taille. Il est principalement utilisé par l’industrie, le secteur électrique, par le secteur résidentiel et tertiaire (chauffage/cuisson) ainsi que pour le transport. Donc, si l’approvisionnement en gaz russe venait à être suspendu en raison de sanctions énergétiques, des risques de coupures le bilan économique serait douloureux pour l’industrie et les ménages français. Pour répondre aux risques que le conflit russo-ukrainien fait peser sur la sécurité de l’approvisionnement en énergie en France: la diversification des sources énergétiques, le renforcement de la production en énergie nucléaire, le développement du gaz liquéfié et les investissements massifs dans les énergies renouvelables pour sécuriser la production électrique constituent des pistes. En parallèle, le Gouvernement a d’ores et déjà décidé de prendre des mesures pour préserver le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité de l’approvisionnement électrique des entreprises. Ces mesures ont fait l’objet de critiques, considérant que la subvention d’une partie du prix des hydrocarbures revenait à soutenir le financement de la guerre en Ukraine.
Ainsi, on le voit bien, les dépendances aux énergies fossiles et à certaines ressources sont au cœur des tensions politiques internationales et peuvent engendrer des difficultés économiques notables. Vous l’aurez donc compris, aujourd’hui, l’énergie nous touche à la fois dans notre vie quotidienne, mais elle est aussi au centre d’enjeux bien plus larges.
Une fois les enjeux identifiés, quelles solutions ? Quelles décisions ?
Au cours de la conférence, les intervenants ont insisté sur le fait qu’il n’existait pas une seule et unique solution face à l’enjeu climatique. En effet, madame la Ministre considère que la stratégie serait d’avoir recours à tous les leviers d’action, mais de préférer une approche pragmatique permettant de développer des solutions complémentaires et pertinentes. L’action à plusieurs échelles semble être la stratégie qu’a choisi d’adopter le gouvernement français.
Le changement climatique, en tant que défi planétaire, nécessite une réponse à l’échelle internationale. Pour ce faire, Madame la Ministre a fait appel à la solidarité internationale pour laquelle la France devait s’investir tout particulièrement. En effet, rappelons que la hausse des émissions de gaz à effet de serre est la conséquence directe de l’activité des pays développés, dont fait partie l’Etat français. Un pays sera considéré comme “développé” lorsque la majorité de sa population parvient à satisfaire ses besoins vitaux, notamment l’accès aux soins, à un logement décent, à l’alimentation et à l’éducation. Deux indicateurs principaux permettent de constater le caractère développé d’un pays : un PIB élevé, et un IDH supérieur ou égale 0.8. C’est en vertu du principe de responsabilité commune mais différenciée, consacré dans le cadre de la Déclaration de Rio de 1992, que l’Etat français est tenu d’apporter une aide financière aux pays en développement dans leur processus de transition écologique. En ce qui nous concerne, le développement d’énergie propre à un coût abordable et la lutte contre le changement climatique constituent deux des objectifs du développement durable, (objectifs 7 et 13).
L’Etat français, tout en étant un Etat membre de la Communauté Internationale, est également un Etat membre de l’Union Européenne. Bien qu’il n’existe pas de réelle politique énergétique commune, le droit de l’Union Européenne encadre d’ores et déjà la matière (Directive Energie 2003, Paquet Énergie Climat 2008). Néanmoins ce n’est que depuis 2019, année d’entrée en fonction d’Ursula Von Der Leyen en tant que Présidente de la Commission Européenne, que l’énergie est envisagée comme un des leviers d’action pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. En effet, le Pacte Vert pour l’Europe se compose d’un ensemble de mesures politiques visant à ce que l’Union Européenne atteigne la neutralité carbone d’ici 2050. Afin d’atteindre un tel objectif, l’Union Européenne s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 55% par rapport à l’année 1990, à travers l’adoption du paquet “fit for 55” ou “Ajustement à l’objectif 55”. Ce plan prévoit de réformer le cadre juridique européen préexistant afin d’y intégrer les objectifs de réduction d’émission de gaz à effet de serre, mais également d’adopter de nouvelles directives.
Pour ce qui est de la politique énergétique , la Commission Européenne a pour ambition de décarboner l’ensemble du parc immobilier européen, d’ici 2050, grâce à la révision de la directive sur la performance énergétique des bâtiments. Pour ce qui est de la politique climatique, le projet d’adoption du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières constitue une des mesures phares du plan d’action de l’Union Européenne.
Ce mécanisme poursuit un double objectif écologique : d’une part, taxer les produits importés au regard de leur teneur en carbone, et d’autre part, empêcher les fuites de carbone. En effet, la mise en place du Système d’Échange de Quotas d’Émissions en 2005, a eu pour effet d’inciter des entreprises émettrices de gaz à effet de serre à se délocaliser tout en continuant d’exporter leur marchandise à l’intérieur du territoire de l’UE, ce qui leur permettait d’échapper à la taxation carbone. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières consiste ainsi à capturer émissions des gaz à effet de serre issues des produits étrangers et les soumettre au paiement de quotas, dont le prix serait identique à celui des quotas du système d’échange de quotas d’émissions.
S’ajoute à l’ensemble des ces solutions, l’action du gouvernement français à l’échelle nationale. L’adoption de la loi Climat Résilience du 22 août 2021, poursuit le virage écologique pris par l’Union Européenne. Cette loi s’articule autour de cinq thématiques parmi lesquelles le volet “Modèle de Production” prévoit une stratégie nationale bas carbone, dite “Stratégie énergie-climat pour 2028 : plus de renouvelables et moins de nucléaire”.
Cette question relative au mix énergétique français a fait l’objet d’un débat au cours de la conférence, notamment en ce qui concerne la part qui devrait être laissée à l’énergie nucléaire. Madame la Ministre a affirmé qu’à l’heure actuelle l’abandon du nucléaire n’était pas envisageable, cette position a été soutenue par le Président de l’Agence Internationale de l’Energie. En effet, l’énergie nucléaire étant une énergie décarbonée, elle permettrait à l’Etat Français de respecter ses engagements en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Nicolas Goldberg et Yves Marignac ont quant à eux exposé plus en détail la stratégie nucléaire qu’il serait préférable d’adopter au cours des prochaines années selon le rapports RTE, et le scénario Négawatt (pour plus d’informations sur le fameux rapport RTE, un article à ce sujet est disponible sur notre blog.)
Si le changement climatique constitue un des défis majeurs du 21ème siècle, force est de constater qu’il appartient aux autorités locales la charge de mettre en œuvre les politiques nationales. Ainsi, les collectivités territoriales françaises doivent faire preuve d’initiative et d’investissement dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.
Au cours de la conférence, la maire de la commune de Montdidier, Madame Catherine Quignon, a eu l’opportunité de nous expliquer en quoi sa commune est un exemple en matière de transition énergétique.
Depuis 2004, Montdidier jouit du titre de “Ville Pilote en Maîtrise d’Énergie”, un titre qu’elle a bien mérité au regard de la réussite de son pari énergétique. En effet les autorités de la Commune s’étaient données pour objectif d’atteindre l’autonomie énergétique et de produire de l’électricité 100% renouvelable, d’ici 2020. Mission accomplie ! Cette opération a évidemment nécessité de la part des habitants de la commune d’apporter leur contribution financière par l’intermédiaire du paiement d’impôts locaux. Néanmoins la Commune, conformément au principe de redistribution des ressources, a mis en place un système d’aide financière au profit de ses habitants.
Ce dispositif a permis d’augmenter le pouvoir d’achat des habitants, en leur donnant notamment la possibilité d’acquérir des équipements de chauffage et de production d’eau performants, tels que des chauffe-eaux solaires individuels.
Il semblerait ainsi que la mise en place d’une politique de transition énergétique tendant à la sobriété, l’efficacité et la durabilité de la consommation de notre énergie soit une solution prometteuse pour réduire les effets du changement climatique. Cependant, cette question du lien entre énergie et climat doit être appréhendée dans une démarche plus globale. Plusieurs enjeux annexes à la transition énergétique ont été exposés au cours de la conférence.
Un débat qui dépasse les questions énergie – climat
L’avenir du nucléaire en France est une question particulièrement sensible puisque la fermeture d’une centrale se traduit par la perte d’un emploi pour de nombreux salariés du secteur. A titre d’exemple, la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim en 2020 s’est traduite par le licenciement de 2000 salariés directs, indirects et induits. D’après le groupement des industriels de l’énergie nucléaire, le nombre d’emplois générés par le secteur du nucléaire serait de 220 000. En ce sens, il revient au gouvernement d’assurer un dispositif d’accompagnement pour ces salariés.
Du point de vue de la santé environnementale et humaine, l’utilisation de l’énergie nucléaire suscite de nombreuses inquiétudes. En effet l’absence d’une solution satisfaisante relative aux traitements des déchets nucléaires inquiète les citoyens.
Les différents intervenants ont déploré la mauvaise qualité du débat public autour de ces sujets. La pédagogie, l’information et la sensibilisation semblent cruciales aujourd’hui. En effet, selon l’IFOP, “le fait qu’un cinquième des jeunes considère que le changement climatique provient d’un réchauffement naturel de la planète (20%) témoigne bien de la persistance de méconnaissances à ce sujet.” La maire de Montdidier explique qu’il est très important de prendre le temps de sensibiliser les habitants aux enjeux énergétiques. Selon elle, c’est une étape indispensable afin de recueillir l’adhésion de la population à un projet qui touche le sujet de l’énergie. Et plus largement, les intervenants plaident également pour un débat politique et médiatique fondé sur des faits établis et des données tangibles.
Pour finir, voici une petite carte mentale qui récapitule les éléments les plus importants :
Un article rédigé par Ouafa Labzae, Mirana Massard et Hélène Verraest